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Questionnements métaphysiques, musique et politique. Un jour je trouverais une meilleure accroche. Photo par Arthur Potel ici: http://www.flickr.com/photos/arthur_potel/

Bonsoir, je suis un morceau qui passe toujours très bien.

 

(Ne pas oublier de regarder le petit commentaire si charmant sous la vidéo.)

Et pour se bouger un peu les neurones on peut aller par là : http://www.crepegeorgette.com/2013/04/09/la-porte-en-pleine-figure/

Et un matin, je me suis réveillée féministe.

J’ai grandi dans un univers particulier, presque uniquement féminin, avec la force de ma mère comme pilier principal. Les hommes autour n’étaient guère présents, et ils ne faisaient pas grand chose de plus que sauter ma mère, se moquer de moi et partir. Je ne parlerais même pas de mon père, qui n’a même pas eu le courage de m’assumer.

Ma mère m’a éduquée selon un précepte d’indépendance. L’autonomie avant tout, savoir se débrouiller toute seule, étaient ses mots d’ordre. Son précepte. Elle m’a donné des armes, tout le temps, à longueur d’éducation, pour que mon sexe ne soit pas un problème. Ma mère m’a appris très tôt que si sur le papier hommes et femmes étaient égaux, dans les faits ce n’était pas tout à fait le cas.

Pourtant je n’avais jamais vraiment ressenti ça. Pendant mon adolescence, je disais même que je n’étais pas féministe, que les luttes pour les droits des femmes ce n’était plus que de la poudre aux yeux. Qu’on avait la pilule, l’avortement et le droit de travailler, et que je ne voyais pas bien pour quoi d’autre on devait se battre. J’avais cette idée un peu vague des fameuses violences faites aux femmes, et comme beaucoup d’observateurs extérieurs de la question, je me disais que, quand même, cette femme qui restait avec son mari violent, elle n’avait qu’à se sortir les doigts du cul et bouger. Qu’au fond, elle méritait son malheur parce qu’elle n’avait pas le courage d’en sortir, de fuir. Je n’ai toutefois jamais pensé qu’une fille violée l’avait cherché, quelle que soit sa tenue, l’heure de ses sorties ou son attitude avec les hommes. Parce que ce pan là, le fait qu’une femme possède son corps au même titre que n’importe quel autre être humain, ma mère me l’avait inculqué.

J’ai souvent reproché à Florian son approche très distante du féminisme. Il se positionne la plupart du temps en disant qu’il ne peut répondre aux questions du féminisme parce qu’il est un homme. Je ne comprenais pas, je pensais que c’était une facilité, un choix politique de sa part qui consistait à dire « je ne prends pas position parce que je ne veux pas qu’on me le reproche, parce que j’ai un discours de dominant. »

La domination masculine, cette grande ennemie, cette grande inconnue. A l’époque en tout cas. Où trouve-t-on la domination masculine quand on est élevée par une femme si forte, si seule, et si indépendante ? Où trouve-t-on, où constate-t-on la domination masculine quand on voit sa mère, 1m60, 40 kilos, se dresser devant un mastodonte et le traiter de connard ?

Pour moi la domination masculine, on la choisissait. On se laissait happer. On se laissait dominer. Pour des raisons diverses, d ‘éducation, de milieu, mais ce n’était à mes yeux pas une chose exempte de la volonté. Ce n’était pas quelque chose qu’on subissait.

Et puis il y a eu cette histoire-là. Cette histoire d’amour, enfin je crois que c’était de l’amour. Au final je ne sais plus trop. Le genre d’histoire que tu ne vois que dans les films, avec un amant rêvé qui arrive sur son cheval blanc et ne vit plus que pour toi. Qui fait de toi le centre de sa vie.

Et c’est à partir de là que ça dérape. Insidieusement, doucement. Il te fait comprendre que tes jupes sont trop courtes pour que tu les portes en son absence. Que les décolletés à la fac c’est moyen, parce que ces seins là, tu n’es sensée les montrer qu’à lui. Et tant qu’à faire, il faudrait que tu cesses de voir tous tes amis, parce que c’est évident, les hommes qui t’entourent en dehors de lui, ils ne sont là que pour coucher avec toi. Et un jour ils t’auront, parce que tu comprends, ce n’est pas qu’il n’a pas confiance en toi, c’est qu’il n’a pas confiance en eux, et qu’à force d’être là peut être que tu changeras d’avis sur leur place dans ta vie.

Parce que c’est bien connu, une femme ne se maîtrise pas. Une femme ne rationalise pas, elle se laisse porter par ses émotions. Les femmes c’est toutes des salopes de toutes façons.

Et ça, c’est la raison pour laquelle il te dit qu’il est en droit de lire les messages que tu reçois sur ton téléphone, sur ton facebook, dans ta boite mail, et que tu devrais lui dire qui t’appelle à chaque fois que tu reçois un coup de fil. C’est la raison pour laquelle devant ton refus de livrer toutes ces informations, il va fouiller dans ton téléphone quand tu ne peux pas le voir. La raison pour laquelle il se pense autorisé à lire tes cahiers personnels, tes notes à toi, à regarder toutes tes photos. Ton intimité lui appartient, en tout cas c’est comme ça qu’il voit les choses.

Parce que c’est bien connu, une femme, quand elle aime un homme, elle lui donne tout, en long, en large, et en travers. Une femme n’a pas de limites, pas de pudeur, tant que tu l’aimes. Une femme qui a des secrets, de toutes façons c’est une salope qui te la met à l’envers.

Pour ce qui est du sexe, là encore tu as tout faux. Tu pensais que dans un couple on fait l’amour quand on en a envie, qu’il n’y a pas d’obligation. Faux, archi faux. Il te dit que le sexe est un dû, que c’est son droit, puisque vous êtes ensemble, et que quand tu n’en as pas envie, tu pourrais quand même te forcer. Et puis, comme ton corps est à lui, il se permet, tout le temps, à n’importe quel moment, de te toucher, partout, même et surtout quand ça n’est pas le moment.

Parce que c’est bien connu, une femme bien qui aime vraiment son compagnon, elle ne pose jamais de limites sur son corps. Donné une fois, donné toujours. Quant à sa libido, ça n’est pas la question, la libido, l’envie, le désir, tout ça ce sont des trucs d’hommes. Les femmes n’y connaissent rien.

C’est comme les études. Tes sciences politiques là, c’est bien joli, mais la sociologie, les études de genre, la théorie politique, c’est de la merde. Ça ne sert à rien. D’ailleurs il ne voit pas pourquoi tu fais des études dans l’absolu tu n’en as pas besoin, il sera là, toujours, pour veiller sur toi. Ton indépendance c’est du flan.

Tout ça peut paraître terriblement caricatural, mais c’est du 100 % vrai. C’est comme ça que je l’ai vécu. Ce mélange de harcèlement moral et sexuel, dans mon couple, dans mon histoire d’amour.

Attention, mon propos ne vise pas à dire que j’ai rencontré un con, et que je suis devenue féministe. Je ne suis pas là non plus pour vomir mon ex. Je suis intimement persuadée que tous ses comportements, toutes ses dérives vis à vis de moi ne sont que le fait d’un ordre normatif. Un état des choses qui font qu’on en arrive à forcer sa copine à baiser et à lui nier toute propriété de son corps et de son avenir.

Ce qu’a changé cette histoire, c’est mon point de vue, au final. Mon point de vue sur les choses, sur les violences faites aux femmes. Sur le féminisme. Pour la première fois de ma vie, j’ai ressenti ce que pouvait contenir la domination masculine, dans une certaine mesure.

J’ai aussi compris que c’est une domination qu’on ne choisit pas. Qu’on ne choisit jamais les dominations. Que la volonté, le courage, l’intelligence n’ont rien à voir avec ça. C’est plus simple d’être émancipée quand tu as de l’argent, ou de l’éducation, mais ça ne veut pas dire que tu ne subis pas la domination. La domination c’est un ordre des choses, et j’aimerais bien participer à changer tout ça.

La pilule, l’avortement, le droit au travail, ce sont déjà de bonnes choses. Mais ça n’est pas suffisant. Ça ne fait pas de moi l’égale des hommes. Juste parce que je suis née avec un vagin. On me refuse une liberté, une égalité à laquelle j’estime avoir droit. Que j’aurais préféré ne pas avoir à revendiquer.

Je suis coutumière des combats que la masse estime futiles. Ça ne me fait pas peur, ça ne m’a jamais fait peur. Je suis nouvellement arrivée dans cette lutte, alors je suis encore un peu perdue. Je cherche mes marques. Mais si je ne sais pas encore exactement ce que je veux, je sais absolument ce que je ne veux pas. Et je me battrais pour ça, pour nous tous et toutes.

Parce que comme elle le dit si bien : « Je n’ai pas à me justifier d’avoir un vagin, je suis née avec. Et si moi j’ai réussi à me faire à l’idée, le reste du monde a intérêt à s’y faire également. »

See you around, my love.

Musique :

Volo, Blancs manteaux à Volo

Alicia Keys, As I am

Oasis, The Masterplan

There’s always something about the name.

Bloquée par la neige chez moi en ce mercredi 13 mars, c’est donc du fond de ma baignoire que je vous écris aujourd’hui.

Aujourd’hui nous parlerons de mon prénom. Loin de moi l’idée de sombrer dans la vantardise, mais voilà, j’ai un prénom très rare. Le genre de prénom où tout le monde a la même réaction la première fois qu’il l’entend, avec une palette d’expressions allant de « HEIN QUOI ? » à « C’est joli, mais j’ai pas compris. Tu peux répéter ? ». Et je dois le répéter trois fois en moyenne pour que les gens le retiennent, et encore même à ce moment là c’est pas gagné. Je dois aussi faire un éloge à la stupidité de tous ceux à qui j’ai un jour dit « c’est d’origine brésilienne », et qui m’ont regardé avec des gros yeux, moi, mes cheveux blonds vénitien, ma peau blanche comme un cul jamais bronzé, et m’ont demandé le plus sérieusement du monde : « T’es brésilienne ? ». OUAIS OUAIS, JE ME SUIS PASSEE A LA JAVEL POUR VOIR CE QUE ÇA FAISAIT.

Du coup, comme j’ai les cheveux roux et des gros seins, on m’identifie comme ça :« mais siiiiii tu sais la rouquine là, avec une grande gueule et des gros boobs ».

Bon je ne sais pas si les gens parlent vraiment comme ça entre eux, ou si d’ailleurs ils ont des discussions suffisamment passionnées à mon sujet pour s’échiner à rappeler mon bon souvenir à quelqu’un d’autre, mais c’est comme ça que je l’imagine en tout cas.

Petite, je détestais ce prénom. Précisément à cause de sa rareté, mais aussi parce que j’ai toujours du essuyer les mêmes blagues pourries (oui, les mêmes depuis mes six ans, même si certains surnoms sexuellement connotés se sont rajoutés avec l’âge), et parce que j’avais l’impression que ce prénom était l’une des raisons pour laquelle on ne me foutait jamais la paix. J’ai aussi souvent maudit tous ces profs incapables de lire correctement une feuille d’appel, alors qu’ils étaient sensés nous apprendre à lire à nous, pauvres hères parvenus dans les écoles primaires par le seul mérite de leurs six premières années révolues. Je ne parle même pas de ma déception quand ma mère et moi nous sommes aperçues que la personne qui avait enregistré mon abonnement à Picsou Magazine avait – une fois de plus – mal lu mon prénom et que pour Picsou je resterais à jamais Alexandra.

En grandissant, le problème a évolué. Avoir un prénom beau et rare, pour la masse ça sous-entend, notamment quand tu as le malheur d’être née du beau sexe, que tu es toi même belle et rare. Un peu comme une perle, quoi.

A l’adolescence j’étais plutôt dans le genre pelleteuse que perle. Le genre qui s’est pas développée peu à peu d’un peu partout, mais d’un coup d’un seul à différents endroits et sans grande synchronisation. Résultat j’ai passé mon adolescence à prendre et perdre des kilos, sans rien faire ni pour ni contre. Ce manque d’entente avec mon corps – tellement original, me direz-vous – m’a rapidement poussée à m’entendre mal avec tout le monde, y compris avec moi même. Surtout avec moi même. Du coup j’ai développé une tendance à faire trop ou trop peu. Les entre deux, je ne connais pas, en tout cas pas en dehors de ma vie professionnelle/estudiantine.

A l’adolescence on m’a bien fait comprendre qu’avec ma gueule et mon corps de travers, mon prénom tout prétentieux et mes bonnes notes – j’ai toujours eu des bonnes notes – je n’avais pas ma place dans ce monde là. Pas parmi les autres en tout cas. Les garçons, surtout. Evidemment les garçons.

Alors comme tout un chacun, j’ai fait ma crise. Je suis tombée dans le délire je-suis-dark-mais-j’ai-pas-d’argent-alors-je-peux-porter-que-des-tshirts-pourris-avec-des-gamines-dépressives-dessus, j’ai réclamé qu’on me trouve un autre nom, à consonance japonaise si possible, et j’ai rêvé d’avoir les yeux vairons, la carrure de Charlotte Gainsbourg et le sex-appeal de Sarah Michelle Gellar, le tout avec les cheveux de Jean Grey.

Au lycée, la dimension de mon prénom a changé pour moi. Quand j’ai commencé à militer c’est plus ou moins devenu une marque de fabrique. Plusieurs années après (pas tant que ça, j’avoue, je suis un bébé), je tombe encore sur des gens qui savent qui je suis rien qu’en entendant mon nom, n’ont jamais su à quoi je ressemblais ou qui j’étais vraiment mais pouvaient me dire avec qui j’étais sortie, combien de temps, avec qui je trainais, qui je n’aimais pas et qui m’admirait en secret. Vivent les bruits de couloirs.

On ne m’appelait par mon prénom que dans un cercle éloigné. Les autres, mes proches, trouvaient que c’était trop long, avaient cette flemme incommensurable des ados, et ont décidé que mon nom serait désormais Aly. Alors j’ai pris. J’ai pris parce que c’était court et simple, parce que ma mère n’aimait pas, et parce que pour une fois dans ma vie je n’avais pas besoin de me répéter.

J’ai aussi fini par découvrir de plus près les garçons, qui puisque j’avais développé un bon 90D avaient décidé que ni mon prénom, ni mes cheveux, ni mes kilos en trop ou ma bizarrerie symptomatique n’étaient un si gros problème au final. Et j’ai découvert de fait qu’eux aussi, avaient la flemme de dire mon nom. J’avais un peu envie de réagir comme ça, souvent :

[A la base il devait y avoir un gif d’un méchant roux qui crie « SAY MY NAME YOU MOTHERFUCKER », mais j’ai découvert que faire un GIF c’est plus compliqué que ça, et donc vous n’avez qu’une pause fastidieuse dans votre lecture. Promis la prochaine fois je refais pas le coup.]

Plus tard, on a arrêté de roder autour de mon prénom comme autour d’une viande faisandée. La puberté a finalement abouti son travail, l’adolescence m’a finalement épargnée, j’ai abandonné mes t-shirts de rockeuse, j’ai découvert la politique et le militantisme, et mon prénom est devenu autre chose. Un bout de mon identité, que j’ai finalement réussi à accepter, après tant d’années de luttes intestines.

Et pourtant, souvent, j’aimerais m’appeler autrement. Parce qu’il n’y a jamais mon nom sur les petites règles en plastique marrantes qu’ils vendent à Châtelet, ou que personne, jamais, n’a écrit de chanson qui contient mon nom. Vous autres Julie, Marie, Marguerite, pouvez vous targuer d’avoir au moins une dizaine de chansons à votre actif. Moi que dalle, nada. Pas de livre, de musique, d’artiste qui un jour a braillé mon nom comme si sa vie en dépendait.

Des fois j’aimerais m’appeler autrement. Aussi parce que, soyons honnêtes, un homme qui vous susurre Alamanda au coin de l’oreille en soufflant pour vous exprimer son plaisir (et son supposé amour), c’est à la fois suffisamment long pour vous faire sortir de votre trip, et suffisamment ridicule pour vous donner envie de rire.

See you around, my love.

Musique :

The Black Keys, Brothers

Selah Sue, Selah Sue